Cuba, champion du monde de l’agroécologie
Au début des années, 90 Cuba se convertit massivement à l’agriculture biologique par obligation. Avec l’effondrement du bloc soviétique, l’économie et l’agriculture kolkhoziennes calquées sur le modèle russe partent à la dérive. Quant à importation des engrais et des pesticides qui va avec, elle cesse d’un coup. L’heure est à la survie. Il faut vite repenser toute l’agriculture. Près de trente ans plus tard, l’île compte plus de 400 000 exploitations agricoles qui produisent 1,5 million de tonnes de légumes, sans pesticides et sans engrais chimiques. Reconversion réussie et enviée par les écologistes du monde entier.
En 1991, l’URSS et les anciens pays de l’Est disparaissent de la carte du monde communiste et laissent Cuba dans la panade. L’île qui leur vendait ses produits à prix constants perd en effet des marchés juteux, notamment celui du sucre, dont elle exportait 85% de sa production. Pour couronner le tout, les Américains resserrent leur embargo. Fidel Castro est dans tous ses états mais parle d’une nouvelle ère, de “période spéciale en temps de paix”, autrement dit d’une grosse crise économique qui durera de 1992 à 1997 : le produit intérieur brut (PIB) chute de 35%, le commerce extérieur de 75%, le pouvoir d’achat de 50% et la population souffre de malnutrition.
Les Cubains ont faim et, pour survivre, se lancent eux-mêmes dans la culture. L’État n’a pas le choix, il distribue des terrains à qui veut les cultiver et développe une agriculture vivrière et biologique de proximité : les tracteurs sont tirés par des animaux, on n’utilise ni engrais chimiques ni pesticides, on redécouvre le compost et les insecticides naturels. C’est une véritable révolution verte dans laquelle tout le monde est impliqué. Cuba développe une agriculture post-industrielle qui peut nourrir sa population.
La révolution verte gagne aussi les villes : des milliers de jardins, « organoponicos », fleurissent sur le moindre petit lopin de terre, sur les terrasses, entre les maisons, sur d’anciennes décharges, au milieu de terrains vagues… Le résultat est impressionnant. Aujourd’hui, par exemple, La Havane est à même de fournir 50% de fruits et légumes bios à ses 2 200 000 habitants, le reste étant assuré par les coopératives de la périphérie. Le principe ne s’applique pas qu’aux cultures mais aussi à l’élevage de petits animaux : poules, lapins, canards, cochons.
Mais que sont devenues les fermes productivistes aux champs monotones et à perte de vue ? Elles se sont progressivement transformées en coopératives dont le but était et est toujours de fournir en aliments les hôpitaux, les écoles, les garderies. Quant au reliquat de la production, il est vendu librement sur les marchés. Au côté pratique s’ajoute vite un aspect recherche et développement : des universitaires, des chercheurs et des agronomes sont sollicités et mis à contribution pour diffuser les techniques de l’agro-écologie à la Cubaine. Un réseau de boutiques vend semences et outils de jardinage à bas prix, prodiguant également aux clients des conseils d’experts. Et dans toutes les villes du pays, on enseigne l’agriculture biologique par la pratique, sur le terrain. L’expérience cubaine attire un intérêt international et les collaborations se multiplient avec des organisations de pays du monde entier.
La révolution verte cubaine ne semble avoir que des conséquences positives : réduction de la contamination des sols, de l’air et de l’eau, recyclage des déchets, augmentation de la biodiversité, diversification des productions, amélioration de la sécurité alimentaire, du niveau de vie et de la santé, création d’emplois – notamment pour les femmes, les jeunes, les retraités mais aussi les anciens fonctionnaires et les militaires au chômage. La reconversion de l’agriculture cubaine encourage aussi une politique moins centralisée qui donne davantage de marge de manœuvre aux initiatives individuelles et collectives, du pouvoir aux quartiers des villes et une implication de la population de plus en plus importante.
Forts de tous ces éléments, qu’est-ce qu’on attend pour faire pareil ?
*Source : TV5 Monde
Article du 10 juin 2019
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